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Blanc
--> ça c'est l'autre plage, celle où l'on ira un jour... Il fera un peu froid, et elle sera déserte, et on se blottira dans un gros pull marine

Et ce matin ça sent l'air marin.
Et ce soir j'entends des mouettes ricaner doucement dans le ciel.
Comme si la mer était au bout du jardin.
Parfois y'a mon coeur qui bat boum d'un coup, à s'en décrocher, parce que la mer me manque.
Et surtout St Malo.
C'est ambigue, bizarre, étrange, quand j'y suis je voudrais partir mais quand je n'y suis pas je voudrais y être.
Peut-être aussi parce qu'ILS sont toujours là quand j'y suis.

De grands blancs avec la prof de français.
Nos yeux se croisent. Nos sourires aussi. On a pas grand chose à se dire en fait.
Alors on parle. On parle de "Parle Avec Elle". De la musique.
Et puis elle dit des choses, mais correspondent-elles à mon travail scolaire ou à ma situation difficile ? Sûrement les deux. Son regard veut tout dire.
Et j'aime bien qu'elle sache. J'aime bien savoir qu'elle sait.
Parce que je sais qu'elle me comprend. Je le sais. J'en suis sûre.
Elle me l'a dit sans le dire vraiment, toujours avec ces mots qui pourraient correspondre à n'importe quelle situation.
Ces mots qui s'échappent par la fenêtre avec son regard. Mais qui disent beaucoup.
Et ces cinq simples lettres qu'elle a soit minutieusement gardées soit précieusement jetées.
Ces simples lettres formant le mot MERCI.

La prof de latin ne manque pas de m'interroger.
La première en plus. Ben oui, bien sûr.
En général quand je traduis avec Ronald le matin, je traduis avec elle l'après-midi.
Mais bon là j'aurais pu parier, j'aurais gagné.

De 14h25 à 15h20, je reste sur le palier du deuxième étage, avec Éléonore.
On parle, on écoute de la musique.
J'écris un peu. Puis j'arrache une page de mon Moleskine pour écrire un mot à Christine.
À 15h20, quand la sonnerie retentit, je vérifie qu'il n'y a personne autour d'elle, à son bureau, alors j'entre dans la salle, mon bonnet péruvien enfoncé sur la tête, et je lui tends le petit papier tout plié.
On parle sans rien dire.
Elle discute avec quelques élèves dans le couloir.
Puis nous dit bon week-end, sans se retourner, et s'en va.
Je reste pétrifiée un quart de seconde puis je balance mon sac contre le mur et cours dans le couloir, pour la rattraper.
Elle continue sa marche en riant.
Je... Je... Je.. Je voudrais lui dire quelque chose mais...
Ai-je le droit de descendre avec elle l'escalier des professeurs ?
J'ose un pas, puis deux, sur le palier,
je vois des pieds qui descendent l'escalier.
Je voudrais descendre avec elle, mais les pieds s'arrêtent et une voix s'adresse à Christine.
Elle descend. Sans me regarder.
Pense-t-elle que je la suis ou que je suis repartie ?
Alors je retourne dans le couloir. La porte claque. Mes larmes coulent, d'un coup, violemment. J'écrase mon front brûlant contre le mur blanc.
La voix de Christine s'efface doucement dans l'escalier, puis je l'entends à nouveau, mieux.
Remonte-t-elle ?
Puis sa voix disparait complètement de mon champ d'audition.
J'ai envie de me cogner au mur, d'hurler, de crier.
Mais pourquoi...
Un instant je me sens mal. Mal mal mal.
J'ai envie de ne plus entendre aucun bruit, de ne plus rien ressentir.
D'être vide. Complètement vide.
De m'écrouler là, sur le palier.
Entre le couloir, royaume des élèves, et l'escalier, domaine des professeurs.
Voilà mon problème.
C'est leur domaine que je préfère. Mais je n'y ai pas ma place.
Moi je dois errer dans le couloir, comme les autres.
Mais je me sens tellement mieux dans l'escalier.
Je pourrais m'écrouler, là, mais Christine ne le saurait pas. Christine ne saurait pas que je suis là. Car elle est partie chercher Camille, peut-être même qu'elle se dirige déjà vers sa voiture.
Non, Christine ne saurait pas.
Alors je me relève. Je traverse le couloir en essuyant mes larmes du revers de mon chemisier.
Chaque pas me rapproche d'elle.
Car si je me lève, si je rentre chez moi, peut-être qu'elle m'aura écrit, peut-être que je pourrai sortir lundi matin pour aller au lycée, peut-être que je pourrai la croiser.
Une poursuite incessante, infinie, qui dure toujours. Mais qui n'a aucun but.
Puisque je ne peux lui parler, je ne peux rien lui dire sans être coupée par quelqu'un, par le temps, par quelque chose d'autre qui est plus important.
Ou par mon inquiétude de lui faire porter des choses dont elle veut pas.
Je monte péniblement, jusqu'au troisième.
Je m'écroule là-bas. Exactement au même endroit qu'il y a quelques minutes, mais un étage au dessus.
Mes larmes coulent coulent coulent.
Je voudrais descendre l'escalier, courir, oublier l'heure, rattraper Christine.
Mais pourquoi faire ? Pourquoi ai-je tant besoin d'elle ?
Pourquoi est-ce son nom que je murmure tout bas lorsque je me sens tellement mal, tellement malheureuse.
Toujours son nom.
Ce mot magique qui pourrait effacer mes peines. Qui pourrait me faire voler, comme la poudre de la fée clochette.
Mais...

Mais sa vie continue. Avec ou sans moi.
Je ne suis qu'une ombre de plus qui la poursuit. Qu'elle appelle Sherlock Holmes parce que je connais chacune de ses habitudes, chacune des salles dans lesquelles elle se trouve.

Mais la mienne aussi continue. J'ai cours d'Histoire.
On parle de Trotski. Mon coeur bat très fort. Pourquoi ?
Parce que Trotski est un lien vers Frida. Vers Frida Kahlo qui l'a abrité dans la maison de son père durant son exil au Mexique. Et avec qui il a eu une aventure.
Frida... Hermana.

Je n'ai pas entendu l'horrible musique dans le métro.

Boskoop m'a fait plein de câlins.

J'ai mal aux yeux. Ils se ferment tout seuls.
Pourtant j'ai envie de descendre, de leur dire de dégager.
Maintenant j'ai envie de regarder "Frida".
Ecrit par rafaelle-, le Vendredi 24 Mars 2006, 21:26 dans la rubrique Quand la lune prend la place....

Commentaires :

sonatenfa
sonatenfa
24-03-06 à 21:35

La vie continue, toujours, quoi qu'on fasse, avec qui que l'on soit, où que l'on soit, seule ou accompagnée, triste ou souriante, déçue ou comblée, la vie continue ; et toi : continue d'avancer, voilà qui importe :)

Maintenant j'ai envie de regarder Frida moi aussi ;)


 
ulysseTi
ulysseTi
24-03-06 à 21:40

Courage ma belle, un jour c'est avec Elle que tu iras à Saint-Malo, et vous y resterez librement, tranquillement, sans personne pour déranger votre amour. Et les mouettes souriront doucement cette fois, dans un ciel pur et resplendissant de lumière rassurante.

 :)


 
rafaelle-
rafaelle-
25-03-06 à 21:28

Re:

Oh oui...
merci de croire en mes rêves !
et d'être toujours là !
;)